L’autorité compétente peut délivrer un permis de construire modificatif dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas au projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même (CE, 26 juill. 2022, n° 437765)
La pratique du permis de construire modificatif trouve son origine dans la pratique, s’appuyant sur une circulaire du 16 mars 1976, et a été admise par la jurisprudence. Il est aujourd’hui mentionné dans le Code de l’urbanisme notamment à l’article L. 462-2 relatif à la conformité, mais n’y est pas défini ni encadré.
Le principe posé par le Conseil d’Etat était que les modifications ne remettant pas en cause la conception générale du projet autorisé par le permis initial pouvaient faire l’objet d’un permis de construire modificatif (CE, sect., 26 juil. 1982, Le Roy, n° 23604).
Ainsi, selon l’importance des modifications envisagées, le juge apprécie au cas par cas ce qui relève d’un permis modificatif ou d’un nouveau permis. La ligne de séparation n’est toutefois pas toujours très évidente.
Par exemple, une augmentation de la surface de plancher d’un projet peut relever d’un permis modificatif (CE, 27 avr. 1994, Epx Bouchy, n° 128478 – CE, 21 déc. 2001, SCI Le Complexe, n° 211663) de même que la construction d’une villa supplémentaire sur un terrain faisant l’objet déjà d’un permis de construire un ensemble d’habitations comportant plusieurs bâtiments distincts (CE, 25 avr. 2001, Alborn, n° 207095).
Dans le sens contraire, lorsque le programme ou l’implantation du bâtiment s’en trouve substantiellement modifiés, le pétitionnaire devra solliciter un nouveau permis (CE, 3 juill. 1974, SCI Les Pervenches, Lebon 382 – CE 8 févr. 1999, Cne La Clusaz, n° 171946).
Par son tout récent arrêt du 26 juillet 2022, le Conseil d’Etat a semblé vouloir élargir le champ d’application du permis de construire modificatif, en considérant que :
« l’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même« .
Ce n’est donc plus la notion de conception générale qui est retenue mais celle de nature même du projet qui serait bouleversée.
En l’espèce, les modifications apportées au projet étaient substantielles puisqu’elles prévoyaient la jonction des deux bâtiments initiaux en une seule construction, un escalier couvert commun, la surélévation d’une partie de la construction en rez-de-chaussée, l’adjonction d’une terrasse d’une surface de plancher de 4 m², ainsi que le remplacement d’un mur et de deux pare-vues en bois par deux murs en briques. Et le Conseil d’Etat a jugé que « en estimant que ces modifications avaient pu faire l’objet d’un permis modificatif, le tribunal a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation« .
Reste à observer comment les juridictions du fond interpréteront cette notion de nature du projet.