Cass. 3e civ., 6 avril 2022, n° 21-13.891
L’action tendant à obtenir la démolition d’une construction édifiée en violation d’une charge réelle grevant un lot au profit des autres lots en vertu d’une stipulation du cahier des charges d’un lotissement est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire.
Les stipulations d’un cahier des charges restent applicables entre colotis au-delà d’un délai trentenaire à défaut de terme extinctif (Cass. 3e civ., 18 mai 1989 : Bull. civ. III, n° 116. – Cass. 3e civ., 21 nov. 2000 : RD imm. 2001, p. 147) et ne peuvent être frappées de prescription extinctive.
En revanche, on sait que l’action en démolition des constructions édifiées en méconnaissance du cahier des charges est soumise à la prescription. Mais le point de savoir selon quel délai n’était jusqu’alors pas tranché.
Avant la réforme de la prescription de 2008, il semblait acquis que l’action introduite sur le fondement de la violation du cahier des charges était soumise à la prescription trentenaire de l’ancien article 2262 du Code civil lorsque la clause dont la méconnaissance était invoquée présentait un caractère réel (TGI Bordeaux, 25 janv. 2005 : Constr.-Urb. 2005, comm. 70, obs. P. Cornille).
Depuis l’entrée en vigueur de cette réforme, la question de savoir si l’action se prescrit par 5 ans (C. civ., art. 2224) ou 30 ans (C. civ., art. 2227) s’était posée à nouveau.
Certaines cours d’appel avaient jugé que l’action visant à faire respecter les stipulations du cahier des charges se prescrivait par trente ans en raison du caractère réel de ses prescriptions (CA Aix-en-Provence, 1er juin 2017, n° 15/15548 : JurisData n° 2017-029117. – CA Montpellier, 6 sept. 2018, n° 15/07173. – CA Amiens, 2 mars 2021, n° 19/07247 – CA Aix-en-Provence, 8 juin 2021, n° 20/10157). Au contraire, d’autres cours d’appel avaient jugé qu’une telle action se trouvait soumise à la prescription quinquennale applicable aux actions personnelles et mobilières (CA Versailles, 12 mars 2019, n° 17/06066 – CA Versailles, 30 janv. 2019, n° 13/07928 – CA Paris, 8 janv. 2021, n° 19/10197).
C’est ce dernier arrêt qui a fait l’objet du pourvoi en cassation ayant donné lieu à l’arrêt ici commenté qui tranche définitivement la question.
Au motif que « L’action tendant à obtenir la démolition d’une construction édifiée en violation d’une charge réelle grevant un lot au profit des autres lots en vertu d’une stipulation du cahier des charges d’un lotissement est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire« , la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 janvier 2021.
La Cour de cassation a en revanche considéré que « L’action en réparation du préjudice personnel que prétend avoir subi le propriétaire d’un lot en raison de la violation des stipulations du cahier des charges est une action personnelle soumise à la prescription quinquennale« . L’arrêt de la cour d’appel de Paris a donc été confirmé sur ce point.
A titre anecdotique, il sera observé que la Cour de cassation a remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles, c’est-à-dire la seule cour d’appel qui, avec celle de Paris, s’était positionnée en faveur de la prescription quinquennale.
Cette solution est très certainement transposable aux rares cahiers des charges de ZAC qui présentent un caractère contractuel liant réciproquement les propriétaires entre eux dans les conditions rappelées par une récente jurisprudence (Cass. 3e civ., 4 mars 2021, n° 19-22.987).
Sébastien Lamy-Willing